Loin de l’image classique des mas provençaux et des petits villages aux toits de tuiles romanes, il existe en Provence une architecture “en négatif”. Durant des siècles, moines, soldats et paysans ont exploité la géologie calcaire non pas pour bâtir en élevant des murs, mais pour construire en creusant. Cette pratique, que l’on nomme architecture soustractive, a produit des formes spécifiques d’habitat, de circulation et d’organisation monastique. L’économie du geste — le matériau est sur place, l’isolation naturelle — a laissé des traces durables dans le paysage. De la vallée du Rhône aux contreforts des Alpes-de-Haute-Provence, six sites ouverts au public en offrent les témoins les plus lisibles.
1. L’Abbaye de Saint-Roman (Beaucaire)
Point de départ de cet itinéraire, Saint-Roman constitue un cas exceptionnel. Contrairement aux simples ermitages, le site présente la structure complète d’une abbaye bénédictine : chapelle et cellules rupestres, vestiges de bâtiments, circulation verticale, dispositifs hydrauliques, silos. La nécropole rupestre de la terrasse supérieure, composée de plus d’une centaine de tombes anthropomorphes, demeure un témoignage rare des pratiques monastiques funéraires du Moyen Âge. On retrouve ce type de sépulture dans d’autres monastères de Provence : Montmajour, Carluc et Ganagobie en particulier.

2. L’Ermitage Saint-Pierre de Montmajour (Arles)
Situé sur le flanc sud du rocher de Montmajour, cet ermitage constitue la première occupation organisée du site. Il comprend une chapelle et des cellules troglodytiques utilisant une faille naturelle. Les aménagements visibles aujourd’hui datent essentiellement des XIᵉ–XIIᵉ siècles et illustrent une transition fréquente : une implantation erémitique primitive servant de base spirituelle à l’abbaye monumentale édifiée ultérieurement. En savoir plus…

3. Les Grottes de Calès (Lamanon)
Dans les Alpilles, Calès témoigne d’une occupation civile et communautaire. Creusé dans un cirque de safre, le site compte 58 habitations réparties sur plusieurs niveaux, occupées du Moyen Âge jusqu’au XVIᵉ siècle. On y observe des silos rupestres, des rigoles de récupération d’eau et une organisation rationnelle adaptée à la topographie. L’ensemble évoque un habitat groupé naturellement défendu par la falaise. En savoir plus…

4. L’Abbaye Saint-Hilaire (Ménerbes)
Ancien couvent carme fondé au XIIIᵉ siècle, Saint-Hilaire illustre une forme hybride d’occupation : le bâti s’appuie contre la falaise, qui sert de mur porteur, tandis que plusieurs pièces conservent des traces d’aménagement rupestre. Le site permet d’observer le passage progressif d’une installation troglodytique à une architecture conventuelle structurée. En savoir plus…
5. Le Prieuré Saint-Germain au Fort de Buoux (Bonnieux)
Le Fort de Buoux, connu pour son rôle militaire, abrite également des vestiges du prieuré Saint-Germain. L’escalier dérobé, entièrement taillé dans la paroi, constitue un exemple remarquable d’adaptation du relief à des besoins défensifs et religieux. Le site comprend également des silos et des excavations annexes, caractéristiques de cette organisation rupestre complexe. En savoir plus…
6. Le Prieuré de Carluc (Céreste)
Le prieuré de Carluc, dépendant de Montmajour, présente une galerie creusée dans la falaise et les vestiges d’une église semi-rupestre. Sa nécropole, composée de tombes anthropomorphes taillées dans le calcaire, établit un lien direct avec Saint-Roman. Carluc constitue l’un des ensembles funéraires rupestres les mieux conservés de Provence. En savoir plus…

Note au visiteur
La valeur de ces sites réside dans la lecture attentive des traces : encoches de poutres, feuillures de portes, rigoles d’écoulement, usure des marches. L’architecture soustractive ne cherche pas l’effet visuel : elle documente un rapport direct, technique et spirituel, entre l’homme et la roche. Loin des villes, ces lieux sont de surcroit installés face à de magnifiques paysages naturels.
